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Les cicatrices du cœur : apprendre à les écouter

  • alicedabo
  • 23 nov. 2021
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 10 oct.

Connaissez vous ce sentiment d'être incompris, d'être invisible ou encore d'être constamment en colère ? Sophia nous raconte sa blessure émotionnelle et comment elle a pu sortir de sa colère.


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Sophia


Sophia * est une femme de 37 ans que j’ai rencontrée au Centre de planification et d’éducation familiale à l'hopital où j’exerce. Dès les premiers entretiens, elle exprime une colère intense et un profond sentiment d’injustice. Elle se perçoit comme exclue et incomprise par les membres de sa famille. Ce vécu d’isolement nourrit chez elle une grande souffrance relationnelle.


Elle illustre ce ressenti par plusieurs situations :

  • son frère ne l’a pas conviée à un dîner réunissant des amis communs ;

  • son père refuse de lui confier la collection de timbres familiale, bien qu’il connaisse son intérêt marqué pour ce loisir ;

  • sa mère ne prend jamais sa défense lors de désaccords familiaux ;

  • et sa sœur cadette, autrefois proche, ne maintient plus de contact avec elle.


Ces exemples traduisent, pour Sophia, une accumulation de blessures affectives. Elle se sent ignorée, mise à l’écart et non reconnue dans ses besoins. Cette perception alimente une colère récurrente et un discours empreint de reproches. Sophia exprime que « personne ne prend soin d’elle » et que « tout le monde l’oublie », renforçant ainsi un sentiment de victimisation et d’impuissance.


Au fil des séances, il apparaît que le sentiment de rejet constitue un fil rouge dans son histoire. Ensemble, nous explorons la dimension répétitive de ce vécu, souvent réactivée dans différentes sphères relationnelles. Sophia finit par comprendre que, si elle ne peut modifier le comportement des autres, elle a néanmoins la possibilité d’agir sur sa propre perception et sur la manière dont elle réagit émotionnellement aux situations.


L’analyse met en évidence un mécanisme circulaire : plus elle ressent le rejet, plus sa colère s’intensifie ; cette colère devient alors agressivité, suscitant à son tour l’éloignement des autres. Ce processus auto-entretenu la conduit à revivre, encore et encore, ce qu’elle redoute le plus : être rejetée.

Progressivement, Sophia identifie que sa colère agit comme une protection face à la peur du rejet. En cherchant à se défendre, elle finit par provoquer ce qu’elle cherche à éviter. LEs autres la fuient.


Elle entreprend alors un travail d’observation de soi : reconnaître l’émotion lorsqu’elle émerge, identifier la pensée sous-jacente, et tenter de comprendre la position de l’autre dans la situation.

« J’ai l’impression de porter des lunettes qui déforment tout ce que je vis », me confie-t-elle un jour.

Cette métaphore illustre sa prise de conscience : sa blessure de rejet influence sa lecture du monde. Peu à peu, son regard s’ajuste. Elle comprend que son père souhaite rester équitable envers ses enfants, que sa mère cherche à préserver un équilibre familial fragile, que son frère s’est protégé d’une agressivité difficile à contenir, et que sa sœur a choisi la distance pour se préserver.


Ce travail introspectif lui permet d’élargir sa compréhension des dynamiques relationnelles et de sortir d’une vision exclusivement centrée sur la blessure. Sophia apprend à distinguer la réalité des intentions supposées, à accueillir ses émotions sans les transformer en attaques.

Le processus fut long et exigeant, mais il lui a permis d’acquérir une forme de maturité émotionnelle et une meilleure régulation affective. Aujourd’hui, elle entretient des liens plus apaisés avec son entourage et manifeste une plus grande bienveillance envers elle-même.

Je garde une profonde estime pour la qualité de son engagement dans ce travail et pour sa capacité à reconnaître que nous ne contrôlons pas les autres, mais que nous restons responsables de nos pensées et de la manière dont nous choisissons de les interpréter.


Sophia m’a prêté son histoire, mais pas son nom. ;-)


Les blessures émotionnelles : comprendre pour guérir


J’aurais aimé rédiger un article structuré, détaillant point par point ces fameuses blessures émotionnelles que Lise Bourbeau décrit avec tant de justesse dans son ouvrage Les cinq blessures qui empêchent d’être soi-même.J’aurais aimé y trouver une méthode claire, une solution concrète pour apaiser ces maux récurrents qui colorent nos vies.Mais il n’existe pas de solution unique.Il existe plutôt une prise de conscience — un regard nouveau sur soi — que j’aimerais partager ici.


Lise Bourbeau identifie cinq blessures fondamentales : l’abandon, le rejet, l’humiliation, la trahison et l’injustice.


Elles prennent racine dans notre enfance, au moment où nous dépendons affectivement du regard et de l’amour des autres. Ces blessures ne disparaissent pas avec le temps : elles nous accompagnent, souvent de manière inconsciente, et se réactivent au fil de nos relations adultes.

Tout au long de la vie, ces blessures peuvent être ravivées — par un mot, un geste, une attitude — souvent sans intention de nuire. Celui qui réveille la plaie n’en a d’ailleurs pas conscience : il touche simplement, sans le savoir, à un endroit sensible.

Une métaphore pour comprendre


Imaginons ces blessures comme des plaies invisibles, dissimulées sous notre chemise.Elles sont là, parfois discrètes, parfois douloureuses, et se rappellent à nous au moindre frottement.Les autres ne les voient pas. En interagissant avec nous, ils peuvent, sans le vouloir, effleurer ou heurter ces zones encore à vif.

Plus une blessure est sollicitée, plus elle devient douloureuse. Elle s’accompagne alors de réactions émotionnelles intenses : colère, peur, tristesse, méfiance ; et c’est souvent à ce moment-là que les malentendus relationnels apparaissent.


L’illusion de la faute


Face à la douleur, notre premier réflexe est de chercher un responsable. Nous pensons alors que l’autre aurait dû comprendre, deviner, réparer. Nous plaçons inconsciemment sur lui une attente : « Si tu m’aimais vraiment, tu saurais quoi faire pour ne pas me blesser. »

Mais cette attente est impossible à combler, car elle repose sur notre propre blessure, et non sur l’intention réelle de l’autre.

Parfois, nous allons même jusqu’à provoquer ce que nous redoutons, pour confirmer notre croyance. Ainsi, une personne blessée par le rejet peut devenir agressive ou exigeante, provoquant justement la distance qu’elle craignait. Celle qui porte la blessure d’abandon peut s’isoler, persuadée que personne ne pense à elle — et cet isolement finit par renforcer sa conviction. La boucle est bouclée : la blessure s’auto-alimente.


La responsabilité de la guérison


Nous aimerions que les autres prennent soin de nos plaies. Mais chacun porte les siennes. Attendre d’autrui qu’il soigne nos blessures revient à lui confier un rôle qu’il ne peut tenir.

La véritable guérison commence lorsque nous reconnaissons que nous seuls pouvons prendre soin de nos blessures. C’est un travail intime, parfois inconfortable : celui d’ouvrir symboliquement la chemise, d’observer la plaie, et d’en prendre soin. À mesure que nous apprenons à la soigner, nous cessons d’attendre que l’autre nous répare. Nous lui permettons d’être lui-même, sans condition, sans projection.


Comprendre pour se libérer


Guérir une blessure émotionnelle, ce n’est pas l’effacer. C’est l’apprivoiser, la connaître suffisamment pour qu’elle ne gouverne plus nos réactions ni nos relations.C’est comprendre que ce que je ne peux changer chez l’autre, je peux le transformer en moi, dans ma manière de voir, de ressentir et de réagir.

Cette prise de conscience ne se fait pas en un jour. Elle demande du temps, de la bienveillance et une réelle volonté de se comprendre. Mais elle ouvre un espace nouveau : celui d’une liberté émotionnelle plus apaisée, plus consciente, et plus aimante.



Ce que je ne peux pas changer chez les autres, je peux le changer chez moi.

* Les cinq blessures qui empêchent d'être soi-même de Lise Bourbeau


 
 
 

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